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17 septembre 2020 4 17 /09 /septembre /2020 13:36

Pour comprendre la situation politico-institutionnelle au Mali et les bouleversements qui se jouent actuellement à Bamako, retour sur une chronologie :

Le pays est miné depuis l’hiver 2012 par plus de huit ans de guerre et de conflits internes meurtriers. Cet immense territoire aux frontières incontrôlables, enclavé  au centre d’une zone sahélienne que grignote le terrorisme jour après jour, est dirigé depuis 2013 par un gouvernement faible dans un contexte de corruption endémique. A la mi-août, la lassitude et la colère devant l’incurie et les petits arrangements des plus hautes autorités ont eu raison de ce gouvernement.

Pour mémoire, calendrier du basculement politique :

- le 25 mars  2020 : le principal opposant du président IBK, Soumaïla Cissé, disparaît dans la région de Tombouctou, en pleine campagne des législatives, au cours d’une attaque qui fait un mort et deux blessés. Ses collaborateurs prisonniers sont libérés en deux temps. Lui reste introuvable. C’est la première fois qu’un homme politique de cette importance est porté disparu. L’enlèvement n’est pas revendiqué. On ne sait  ni où il est détenu ni par qui . Aujourd’hui il  se trouve peut être entre les mains d’Amadou Koufa, l’une des têtes du djihad au Mali, à moins qu’il n’ait été transféré ailleurs à un plus haut niveau. Il est très certainement l’objet de négociations car c’est un otage de prix. Avec cet enlèvement, c’est le principe démocratique lui-même qui est attaqué au Mali.

- les 29 mars et 19 avril : sur fond de Covid-19, 1er et 2e tours des élections législatives. Ces élections auraient dû se tenir dès la réélection du président IBK à l’automne 2018. Elles n’ont cessé d’être reportées pour diverses raisons. De la nouvelle assemblée à  élire doit dépendre aussi l’application, enfin, des accords d’Alger signés en 2015 entre les groupes armés indépendantistes et le gouvernement central. Ces élections 2020 se déroulent dans un contexte sanitaire et politique troublé, avec des enlèvements de présidents de bureau de vote et des destructions d’urnes, particulièrement dans la région de Ségou, ou encore avec 1 000 bureaux de vote sur les 22 000 du pays, qui n’ont pas pu ouvrir.

- fin avril, en plein confinement, la Cour Constitutionnelle remet en cause les résultats des élections. Elle invalide l’élection de 31 députés. C’est l’indignation et la colère dans l’opposition.

- les vendredis 5 juin, 19 juin et 10 Juillet : de gigantesques manifestations exigent la démission du président IBK. Ce sont des manifestations qui se veulent à la fois déterminées et sans violence.

Celle du 5 Juin marque la naissance du mouvement M5 -RFP. Il s’agit d’une vaste coalition hétéroclite, menée principalement par le très influent leader religieux, Mahmoud Dicko, imam très écouté, autour duquel gravitent associations religieuses et  comités divers qui forment le Mouvement du 5 Juin (M5). A ses côtés une autre autorité morale très respectée, le chérif de Nioro, Bouyé Haïdara. Ceux qui forment le Rassemblement des Forces Patriotiques (RFP) sont des membres de la société civile. Plusieurs personnalités éminentes ont été membres de gouvernement ou anciens ministres, ou bien représentent différents partis ou mouvements de femmes ou de jeunes.

La manifestation du 10 juillet dégénère en trois jours de troubles meurtriers, faisant 11 morts et plus de 100 blessés. Le président essaie de proposer à l’opposition la création d’un gouvernement d’union nationale, qui est refusée.

La Cédéao (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest) dont fait partie le Mali délègue alors à deux reprises des représentants en tentative de médiation : elle recommande à la fois la démission des députés dont l’élection est contestée et la dissolution de la Cour qui a invalidé les résultats. L’opposition juge cette recommandation anticonstitutionnelle et les élus concernés refusent de démissionner.

- fin Juillet le président annonce la dissolution de fait de la Cour constitutionnelle

- le 9 Août, il nomme par décret les 9 nouveaux juges de la Cour, 7 hommes et 3 femmes.

Une nouvelle manifestation d’envergure est annoncée pour le mardi 11 Août, date de l’entrée officielle en fonction de ces nouveaux juges.

Le gouvernement légitime est soutenu officiellement par les puissances internationales dont la France, qui ont la crainte de voir se répandre dans les pays voisins une contagion de contestation similaire. Le Mali deviendrait l’épicentre d’une déstabilisation dangereuse dans toute la région. Se sentant appuyés, le président IBK et son premier ministre Boubou Cissé ne veulent rien céder.

- le 11 Août, sur la place de l’Indépendance, l’imam Dicko prononce un grand discours dans lequel entre autre il fustige les ingérences étrangères dans la vie politique malienne, en particulier celle de la France.

- le 18 Août, par un coup d’état militaire, une junte de jeunes officiers procède à l’arrestation d’IBK, et avec lui d’autres membres du gouvernement, de Boubou Cissé le premier ministre, sans compter  d’autres hauts responsables militaires. Le président après son arrestation annonce sa démission.

La junte nomme unilatéralement chef d’Etat le colonel Assimi Goïta.

Dans la foulée, une nouvelle délégation de la Cédéao rencontre vainement la junte.

La Cédéao déclare alors la fermeture des frontières et l’embargo sur les échanges financiers et commerciaux tout en indiquant que ces mesures pourront être levées progressivement d’ici 12 mois en fonction des avancées.

Le Coup d’ état est bien accueilli par la population, mais la junte doit maintenant composer avec la société civile.

- le 29 Août, la junte convie à une réunion les représentants de la société civile mais oublie d’inviter le Mouvement du 5 juin, principal opposant et instigateur du mouvement de contestation ! Celui-ci l’accuse d’une confiscation de pouvoir. Le bug est rattrapé et la réunion reportée au 7 sept.

- A l'issue du week-end des 12-13 septembre, la Charte de transition présentée  par la junte reste contestée,  le M5-RPF ne peut accepter le mode de désignation prévu pour le président de transition, lequel serait nommé par un comité lui-même désigné par la junte.

- le mardi 15 septembre, à Accra (Ghana), la rencontre d'Assimi Goïta avec la Cédéao se termine aussi sur un blocage et la menace renforcée d'un embargo total sur le pays, si un gouvernement civil provisoire n'était pas nommé dans les huit jours.

Depuis près d'un mois maintenant, tout le monde est dans l’attente des modalités et de l’organisation pour un gouvernement de transition. Pendant ce temps, les officiers supérieurs sont à Bamako occupés aux affaires politiques et les régions sont plus que jamais menacées par  l'avancée des violences djihadistes.

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